jeudi 5 septembre 2013

Qu'est-ce qui est intéressant ?

Il ne s'agit bien évidemment pas d'une question qui pourrait faire le sujet d'une dissertation de philosophie en classe de Terminale. Elle ressemble plus au genre de question d'une leçon d'agrégation. Cependant, elle est loin d'être inintéressante car nous qualifions d'intéressantes des choses et des actions très différentes. Qu'est-ce qui fait leur intérêt ? Sont-ce ces choses elles-mêmes ? Notre relation subjective à elles ? Dès qu'il s'agit de réfléchir à ce qui se cache derrière les mots en établissant des distinctions, nous sommes dans la philosophie. Tel est l'exercice auquel s'est livré Rémi Brague dans Au moyen du Moyen Âge dans le quel il distingue trois sens de l'adjectif "intéressant" :
  1. L'intérêt égoïste : ce qui est intéressant, c'est ce qui me rapporte. On parle ainsi dans le domaine de la finance des intérêts d'un compte ou de la participation aux intérêts. Un emploi sera du point de vue du salaire plus ou moins intéressant, quel que soit son intérêt au sens 2.
  2. L'intérêt désigne aussi ce qui attire notre attention, notre regard, notre réflexion. Il s'agit d'un intérêt intellectuel qui procure un certain plaisir. En ce sens, il est intéressant de regarder les constellations d'un ciel étoilé. Nous n'y gagnons économiquement rien, mais nous en éprouvons une sorte de fascination procurant du plaisir. Absorbé par ce qui nous intéresse, nous nous oublions nous-même : nous ne pensons qu'à ce qui nous intéresse.
  3. Enfin, Rémi Brague propose d'appeler intéressant "ce qui fait une différence pour nous, ce qui compte". Autrement dit, ce qui m'intéresse ne me détourne pas complètement de moi-même car j'apprends à me connaitre dans et par ce qui m'intéresse. "Plus précisément, ce qui est intéressant est ce qui se trouve entre nous et nous-mêmes, ce qui inter-est, de telle sorte qu'il nous faut passer à travers pour parvenir à nous-mêmes. L'intéressant est en ce sens une étape nécessaire dans le processus par lequel nous en venons à nous connaître nous-mêmes." (p.137)
Ce qui nous intéresse est donc révélateur d'une part de nous-même. Que faut-il dès lors conclure d'une personne qui ne s'intéresse à rien ? De plus, il apparait dans cette analyse que l'identité personnelle n'est pas donnée, mais construite dialectiquement dans le rapport à la réalité extérieure.

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