mercredi 28 mai 2014

Au pied du mur

En 2007, nous avions eu l'occasion avec la classe de TGMAT de visiter l’exposition du FRAC intitulée « Au pied du mur », à l’Arsenal de Saint-Jean-des-Vignes. 

La fiche que j'avais alors élaboré rappelle la manière dont on doit aborder une œuvre d'art en générale, et plus particulièrement une œuvre murale.
 
Apprendre à lire une œuvre avant d’une juger.
Avant de juger, de critiquer ou de condamner une œuvre, il faut la comprendre. L’impression première n’est jamais suffisante même si elle compte. Vous risquez de passer à côté d’une œuvre, de son sens et de son discours simplement parce que vous la trouvez « moche » ou « super ». Pour éviter cela, il ne suffit pas de voir, il faut regarder. Tout comme en philosophie, il faut suspendre ses préjugés pour penser, face à une œuvre il faut un peu oublier ce qu’on aime ou pas et se laisser impressionner par l’œuvre, c'est-à-dire laisser venir à soi les sensations qu’elle provoque.

Il faut se demander :
  • « Qu’est-ce que je vois ? » et essayer d’être le plus descriptif possible : quelles couleurs sont employées ? quelles formes sont dessinées ?
  • Pourquoi avoir choisi ces techniques ? Qu’est-ce que ça permet comme effet sur celui qui regarde ?
  • Y a-t-il un titre ? Quel rapport entretient-il avec ce que je vois ?
  • Quelles impressions subjectives l’œuvre produit ?
Puis on peut proposer des hypothèses d’interprétations. On n’explique pas une œuvre d’art car son sens n’est jamais unique ni complètement explicite. Le sens d’une œuvre se construit dans le rapport avec celui qui la regarde.

« Au pied du mur » : questions.
Nous voilà au pied du mur, c'est-à-dire devant les œuvres et il faut en percer le sens. Dans le cas présent, nous avons à faire à de la peinture murale. Il faut alors se poser un certain nombre de questions. Encore une fois, tout comme en philosophie, l’étonnement et le questionnement permettent de découvrir le sens des choses. 
 
Questions qui se posent face à ces œuvres :
  • Pourquoi les artistes ont-ils choisi de peindre sur des murs ? Est-ce que l’art qu’est la peinture se fait habituellement sur les murs ? Généralement quand on peint un mur, quel est le but viser ? Qu’est-ce qui distingue cet usage technique de la peinture, de l’usage artistique auquel nous avons à faire ici ?
  • Il faut se demander ce que ce choix change selon plusieurs points de vue.

    • Du point de vue du peintre : choisit-il le support qu’est le mur puis il cherche ce qu’il va y peindre ou est-ce l’inverse : le projet de l’œuvre suppose un support important comme un mur ? Le choix du mur a une incidence sur les outils qu’il emploie (pinceaux, peinture etc.) mais aussi sur ses gestes.
    • Du point de vue du spectateur : comment nous apparaît-elle ? quelles impressions nous fait-elle par rapport à une toile, souvent plus petite que soi ? Quelles sont les conséquences de ce changement d’échelle sur nos impressions et le sens de l’œuvre ?
    • Du point de vue de l’œuvre : un mur est-ce un œuvre d’art comme une autre ? Peut-on l’acheter ? L’œuvre qui y est peinte peut-elle y rester pour toujours ? Peut-on repeindre ailleurs cette œuvre ? Qu’est-ce qui compte finalement dans des telles œuvres : la réalisation concrète sur le mur ou bien le projet de l’artiste ?
La peinture murale.
Pour mieux comprendre un œuvre, il ne faut pas oublier qu’elle n’existe pas seule et qu’elle n’est pas le première. Il peut être utile de la mettre en rapport avec d’autres types d’œuvres ou des œuvres d’autres époques. Ainsi la compréhension d’une œuvre sera d’autant plus riche que votre culture générale vous permettra de la situer.

Dans le cas de la peinture murale, certains (qu’on les nomme ou qu’ils se nomment artistes ou pas) peignent sur les murs mais en dehors des musées et des lieux d’exposition ? Quel exemple est le plus manifeste ? Quel est le sens de cette pratique ? Qu’est-ce qui est en jeu dans ce cas du point de vue du « spectateur » ? de l’œuvre elle-même ? de la société ?
Bien avant les tags modernes ou les œuvres vues au musée, les hommes ont peint sur les murs. Pouvez-vous trouver des exemples ?

  • Art pariétal des hommes de la préhistoire : Vache rouge, grotte de Lascaux, diverticule axial, 17 000 ans avant le présent.

  • Art des fresques dans les tombes égyptiennes : Peintures de la tombe d'Ounsou : travaux agricoles. Nouvel Empire, 18e dynastie, règne d'Hatchepsout ou de Thoutmosis III, 1479-1425 av. J.-C.

  • Art des fresques romaines : Fragment de peinture murale « Dieu fleuve et deux nymphes » dans la maison des Vestales à Pompéi en Italie, mortier, v. 70-79 ap. J.-C.
  • Art des fresques gothiques et renaissantes de Giotto à Michel-Ange : 
     Giotto, Jugement dernier, Chapelle de Scrovegni à Padoue en Italie, vers 1303.

     
    Miche Ange, Jugement dernier, Chapelle Sixtine, Vacitan en Italie, 1508-1512.
  • Art mural contemporain : du muralisme mexicain aux tags.
Diego Rivera, Histoire du Mexique : De la conquête au future, 
Arche central, 1929-1935, Palais national, Mexico.




Tag

Quelques remarques sur les tags suite aux questions qui ont été posées.
Les murs tagués ne sont pas ceux de galeries, c'est-à-dire de propriétaires qui prêtent leurs murs à l'artiste, mais ceux de biens sociaux (entreprises ou État) ou particuliers. Taguer constitue donc une violation de la propriété privée qui peut être jugée comme un geste allant à l'encontre des normes de la société. Il s'agit donc pas principe d'un art qui est une forme de rébellion. Le tag est une critique et une réappropriation des surfaces murales urbaines :
  • une critique car les surfaces murales urbaines sont la plupart du temps occupés par la publicité. Les espaces de notre vie quotidienne sont loués pour inciter à la consommation.
  • une réappropriation car taguer consiste à marquer la ville de sa trace. C'est une forme moderne et urbaine de marquage de son territoire. C'est pourquoi un tagueur peut recouvrir le tag d'un autre tagueur.
Le tag relève de l'art. Sa créativité le rapproche d'une pratique ancienne : la calligraphie. Il existe des styles personnels et une évolution (les premiers tags des années 80 diffèrent de ceux d'aujourd'hui). Une exposition leur a même été consacrée à la Fondation Cartier en 2009-2010.

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