Nous
sommes bien certains d'exister, mais savoir que nous sommes n'implique pas de
savoir qui nous sommes. Descartes montre que la
pensée, en tant que substance, suffit à me faire subsister malgré
les changements qui m’affectent et mes caractéristiques
accidentelles. Cependant, cette analyse philosophique ne nous apprend
rien sur ce qui fait de chacun un individu singulier. Faut-il dès
lors se fier à notre expérience quotidienne ?
Cette
dernière ne nous offre cependant pas une image unifiée de nous-même
: nos actes et nos comportements sont divers et parfois
contradictoires. Nos différentes activités et relations nous
obligent à des comportements différents. Mais
en même temps chacun de ces gestes contribue à nous définir. Mais alors qui
sommes-nous vraiment ? Si nos actions quotidiennes rendent difficile
un portrait unifié de notre identité, est-ce par l'introspection
que nous pourrons y accéder ?
Dans ce genre d'auto-analyse psychologique (du latin intra = à l'intérieur de… et spectare = regarder), le sujet devient l'objet de sa propre observation. Il y a identité entre le sujet observateur et l'objet observé. Hume dans son Traité de la nature humaine, tome 1 (1739) se livre à une telle introspection et prend conscience de lui-même dans un certain état : son esprit est habité par une perception (chaleur ou lumière) ou une émotion (amour ou haine) particulière mais qui ne dure jamais et qui est remplacée par une autre et ainsi de suite. Il « bute toujours », c'est-à-dire que l'état dont il prend conscience semble à la fois lui révéler une part de lui-même et en même temps faire obstacle à la perception d'un moi pur.
Il en conclut qu'un tel moi n'existe tout simplement pas.
Pour Hume, le sujet humain est une collection d'états différents,
un flux constant. Mais il n'existe aucune permanence à laquelle
nous pourrions avoir accès et qui constituerait notre identité.
Nous avons malgré tout tendance à imaginer que nous
possédons bien une telle unité et une telle permanence.
Pour éclairer sa thèse, Hume a recours à la
métaphore du théâtre : sur la scène différents acteurs
entrent et sortent, tout comme dans notre esprit différents états
nous habitent puis disparaissent. Cependant une telle comparaison a
aussi une limite car au théâtre, les acteurs entrent et sortent
d'une scène qui est fixe (le plateau), or l'âme ne possède pas
une telle permanence.
Ainsi
avoir conscience de soi ne conduit pas à une connaissance de soi et
tout particulièrement à la conscience d'une identité. Pourtant,
il doit bien subsister quelque chose de stables derrière tous les
changements qui nous affectent. Nous changeons (par un acte de
volonté, par nécessité) mais nous n'avons pas conscience de
devenir quelqu'un d'autre : nous restons le même. Comment peut-on
comprendre ce paradoxe ? La connaissance de nous-même ne peut-elle
être que temporaire et sans cesse réitérée ?
Enfin,
quand bien même nous serions en mesure de fixer dans le flux de nos
états psychiques des constantes, rien ne semble en garantir
l'authenticité. Dans l'introspection, l'objet observé et le sujet
observant sont identiques, il est donc juge et partie :
l'impartialité semble donc impossible. Nous avons tous tendance par
amour propre à exagérer nos qualités et à sous-estimer nos
manques. Parfois c'est le contraire nous sommes excessivement
critique envers nous-même. Comment trouver la bonne distance
vis-à-vis de soi pour se juger en toute objectivité ?
L'artiste Rembrandt est une très bonne illustration pur cette réflexion, car tout au long de sa vie, il n'a cessé de scruter sa propre image dans ses autoportraits, révélant tous quelque chose de lui-même.
Autoportrait de 1629, Musée Mauritshuis, La Hague
Autoportrait de 1640, National Gallery, Londres
Portrait de l'artiste à son chevalet de 1660, Musée du Louvre, Paris
Autoportrait de 1669, National Gallery, Londres
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