La question de l'intérêt du travail a fait l'objet de plusieurs sujets de dissertation donnés au baccalauréat. En 2007, les élèves de série ES se voyaient proposer : " Que
gagnons-nous à travailler ? ", tandis que les élèves de Terminale L planchaient en 2012 sur la question : " Que gagne-t-on en
travaillant ? " Les différences dans les deux formulations sont négligeables, les deux sujets posent la même question. Si le travail est une torture (son étymologie y renvoie : tripalium), s'il est une malédiction (voir La Bible, "Genèse", 3, 17-19), si l'homme est par "naturellement paresseux" (dixit Rousseau dans son Essai sur l'origine des langues) , que pouvons-nous en effet retirer du travail ?
Il faut bien sûr montrer que l'homme y gagne beaucoup. Au-delà de ce qui lui est nécessaire pour survivre, il y gagne aussi la conscience de sa nature spirituelle. Mais il faut proposer un traitement équilibré de la question en montrant d'abord que l'homme y perd son temps, son énergie, sa santé. On peut alors penser à un passage du long poème de Victor Hugo intitulé Melancholia tiré du recueil Les contemplations) décrivant le travail des enfants. Ce derniers y perdent leur santé, leur innocence, leur avenir, en un mot, leur humanité.
Ces doux êtres pensifs que la fièvre maigrit ?
Ces filles de huit ans qu'on voit cheminer seules ?
Ils s'en vont travailler quinze heures sous des meules ;
Ils vont, de l'aube au soir, faire éternellement
Dans la même prison le même mouvement.
Accroupis sous les dents d'une machine sombre,
Monstre hideux qui mâche on ne sait quoi dans l'ombre,
Innocents dans un bagne, anges dans un enfer,
Ils travaillent. Tout est d'airain, tout est de fer.
Jamais on ne s'arrête et jamais on ne joue.
Aussi quelle pâleur ! la cendre est sur leur joue.
Il fait à peine jour, ils sont déjà bien las.
Ils ne comprennent rien à leur destin, hélas !
Ils semblent dire à Dieu : « Petits comme nous sommes,
Notre père, voyez ce que nous font les hommes ! »
O servitude infâme imposée à l'enfant !
Rachitisme ! travail dont le souffle étouffant
Défait ce qu'a fait Dieu ; qui tue, œuvre insensée,
La beauté sur les fronts, dans les cœurs la pensée,
Et qui ferait - c'est là son fruit le plus certain ! -
D'Apollon un bossu, de Voltaire un crétin !
Travail mauvais qui prend l'âge tendre en sa serre,
Qui produit la richesse en créant la misère,
Qui se sert d'un enfant ainsi que d'un outil !
Progrès dont on demande : « Où va-t-il ? que veut-il ? »
Qui brise la jeunesse en fleur ! qui donne, en somme,
Une âme à la machine et la retire à l'homme !
Que ce travail, haï des mères, soit maudit !
Maudit comme le vice où l'on s'abâtardit,
Maudit comme l'opprobre et comme le blasphème !
O Dieu ! qu'il soit maudit au nom du travail même,
Au nom du vrai travail, sain, fécond, généreux,
Qui fait le peuple libre et qui rend l'homme heureux !
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